Le pavé de Léon Tolstoï a occupé quelques bonnes heures de ma quinzaine dernière, la première de cette longue claustration qui nous attend tous. Il démontre, avec ô combien d’exemples détaillés,
à quel point l’agression et la volonté d’asservir l’Autre ne mènent qu’au chaos mutuel. Une volonté négative de l'homme contrarie mais n'entrave pas les forces profondes de notre monde. Ni Napoléon
ni les Russes n’ont atteint autre chose que mort et destruction.
Comme en écho malin, j’ai écouté hier soir un autre auteur, contemporain, Olivier Clerc, nous demander de changer notre histoire. Le récit de l’humanité
actuelle, fondé depuis toujours sur la dualité et la séparation, nous a menés au pied du mur, et désormais semble-t-il, frontalement dans ce mur.
Un minuscule être invisible à nos yeux, privé par
nous de son biotope habituel et obéissant aux lois immuables de la Nature, tente de survivre en changeant de territoire. Rien de neuf là-dedans. Après tout, les migrants de toute catégorie font de même chaque jour, géographiquement.
Le virus, lui, est passé du monde animal au monde humain. Dans les deux cas, la réaction en face est violente, agressive. Frontières et barbelés, masques et antibiotiques, haine et rejet, peurs et réclusion. Tout cela
ne faisant qu’amplifier les problèmes sans rien résoudre.
Olivier Clerc propose d’inverser la démarche. Considérons que hommes, virus, migrants, ne sont pas des éléments séparés mais
bien des molécules du même ensemble vivant sur la planète actuelle. Faire du mal à l’un de ses membres résonne chez tous les autres. Détruire un de ses membres équivaut à fragiliser, et à
terme, à détruire le corps tout entier. Le virus, les migrants cherchent à survivre. Nous les bloquons et cherchons à les détruire, croyant nous protéger. Ne serait-il pas plus efficace de redonner à chacun
sa juste place ? De tous nous considérer comme éléments du grand corps, avec une place pour chacun, ni plus importante, ni plus légitime.
C’est un sentiment que je ressens depuis bien longtemps. Je peux le mettre
en application dans ma propre vie, juste autour de moi. Je ne suis certainement pas la seule. Cette toile tissée à l’inverse de ce que crée l’humanité depuis la préhistoire suffira-t-elle à inverser le
paradigme et à remettre le monde en équilibre ?... En tous cas, ça vaut la peine d’essayer.