A la suite de mes deux précédents textes, une amie désolée et amoureuse de l’Inde m’a envoyé quelques belles images rédemptrices. Les sourires et la douceur du Kérala, en contraste avec la
morgue et la dureté du nord. C’est juste, et consolant. Mais peu convaincant.
S’il suffisait de changer de latitude pour modifier le fond des âmes, toute la ceinture tropicale du globe serait habitée de femmes en fuite.
J’imagine la terre, cette fameuse terre « bleue comme une orange » mais surtout ronde comme elle, tranchée à l’horizontale par deux fois aux pointillés des tropiques. Faisant d’elle un burger
insolite : un steack femelle grillé par le soleil et coincé entre deux pains virils et durcis par le froid. Quelle image ! Magritte nous aurait peint ça à merveille.
Hélas la peur et la sauvagerie n’ont
pas de frontière, et la lâcheté des gens au pouvoir n’a pas de limites. Il ne se passera rien, avant longtemps. Je crains même un retour du balancier après toutes ces « libérations de parole »
dont se gargarisent les médias. Trop contents d’accrocher à leur une de chasse les visages de célébrités prises la main dans le slip.
L’équilibrage des relations est loin, le partenariat entre homme
et femme pas encore en vue, le dépassement, voire l’abandon, de quotas hypocrites pas pour demain. Trop de millénaires d’ancrage d’une suprématie d’un sexe sur l’autre pour être balayés en une
seule décennie. J’en viens presque à valider les demandes d’« asexualisation » de certains jeunes d’aujourd’hui, aussi baroque que cela me paraisse. Quand les modèles principaux sont domination
et servitude, l’envie doit être grande de fuir en no (wo)man’s land, écriture inclusive oblige.
Franchement, vous ne trouvez pas que ce monde délire ? Heureusement, il me reste la contemplation. Le Taygète
a coiffé son premier voile de neige. Les collines du Magne, rafraichies par une petite semaine d’orages automnaux, reverdissent tendrement sous leur robe de bruyère rosie. La mer étincelle de saphirs et lapis lazuli précieux
caressés par un soleil adouci… Mais que fait l’homme de tant de beauté ?
[ photo S. Martins ]