Voilà, le dernier livre, le dernier bibelot, la dernière petite cuillère ont trouvé leur place dans mon nouveau home. J’ai compté, je viens d’effectuer
mon treizième déménagement depuis mon apparition sur terre. Chiffre bonheur ? Le dernier peut-être ?! Qui dira…
Pour rester dans les chiffres,
à mon âge, ça représente un changement tous les cinq ans à peu près en moyenne. Sachant que mon plus long séjour immobile fut l’espace-temps dans la ferme des Hautes-Alpes, dix ans, pile à un jour
près. Sans doute ne suis-je pas née sous le signe du Sédentaire. Le petit Poissons que je suis fut tour à tour citadine et rurale, parisienne et provinciale, montagnarde et balnéaire, communautaire et solitaire. Sans oublier
les innombrables voyages, déplacements, explorations, séjours à l’étranger qui parsèment l’itinéraire. Mon dieu grec préféré a toujours été Hermès, avec ses petites
ailes à la cheville ou ornant son coquet chapeau, il m’a toujours fait craquer, tout menteur, voleur et hâbleur qu’il fut. Dieu des voyageurs avant tout, donc mon petit dieu à moi. J’ai toujours pensé que
les dieux grecs étaient de loin les plus fiables du Panthéon humain. Parce qu’humains justement, avec leurs forces et leurs faiblesses. Même s’ils en abusent souvent assez malhonnêtement pour nous faire jouer le rôle
du guignol. Mais après tout, qu’est-ce qui nous empêche de couper les ficelles ?...
Je viens de passer quelques heures passionnantes avec Sylvain Tesson et sa vision
homérique du monde actuel. Que de justesses de mon point de vue ! « Les hommes sont la variable d’ajustement des agissements des dieux. » Et cette image qui me parle profondément : « L’homme
est une navette, libre de se mouvoir dans la haute lisse d’un destin tissé… »
En effet, à lire Tesson, les choses n’ont guère changé
sur notre planète depuis Homère. Si ce n’est que l’adage : « Le progrès est la capacité de l’homme à développer son pouvoir de destruction » a désormais
pris toute son ampleur, sans doute irréversible. Et qu’« au final, seuls les dieux, c’est-à-dire les marionnettistes de notre pauvre commedia dell’arte, s’y retrouvent ». C’est
un peu ce que je disais dans mon dernier texte.
Alors oui, changement de point de vue – mais je suis toujours en balcon sur la mer Egée –, changement de rythme –
quinze minutes à pied pour rejoindre les terrasses de la place à présent, c’est bon pour mon dos de marcher un peu –, et changement d’atmosphère – plus de criailleries venues de l’étage en dessous.
La vie est belle, bénie des dieux grecs, et Hermès a favorisé mon envie de mouvance puisque tout s’est fait en moins d’une journée. Comme d’habitude, quand le temps est arrivé, les choses se font naturellement,
les rencontres et les opportunités sont déjà là. Juste à saisir !