Arna. Soleil printanier sur les cerisiers géants qui arborent fièrement leurs petits fruits naissants, encore minuscules et verts d’impatience d’atteindre le rubis promis.
Léger souffle d’air qui peine à agiter le jeune feuillage du platane millénaire. Gazouillis éternel de la fontaine que décrivait déjà Pausanias comme miraculeuse. Pas tranquille de quelques désœuvrés
se remettant calmement du long week-end de festivités pascales, toujours très animées dans ce village de montagne, cul de sac où nul ne passe par hasard.
Arna
est pour moi le symbole de l’abondance naturelle, la preuve d’un autre contrat possible entre l’homme et les dieux. La montagne est généreuse. Elle offre fleurs et fruits à foison, eau pure et terreau fertile. Noyers
et châtaigniers abondent. La vigne cascade au fil de terrasses pierreuses qui donnent au vin un goût incomparable. Citronniers, agrumes, cognassiers, mûriers sont matière à gâteaux, liqueurs et confitures. Agneaux et porcelets
débarrassent les déchets ménagers et engraissent les potagers. Un manteau de neige hivernal nourrit les sources, un chaud soleil estival mûrit les poires et les olives. Et quand je vois la couleur jaune d’or de l’omelette
qui vient d’arriver sur mon assiette, je peux vous assurer que les poules du coin ne sont pas nourries aux granulés. Autant de richesses que célèbrent musiciens et danseurs locaux à chaque fête carillonnée. Les
habitants d’Arna, depuis des siècles, respectent et remercient leur environnement. Il ne viendrait à personne ici l’idée de tuer les abeilles, de saloper le sol ou de polluer la nappe phréatique avec des ordures.
Des journées comme celle-ci (10 avril) sont un pur bonheur pour moi. Beauté, sérénité, complétude. Tellement simple pourrait être la vie sur cette terre
si l’homme oubliait sa soif de toujours plus. Plus de pouvoir, plus de bombes, plus de destructions, plus de haine, plus de peurs… mais hélas jamais plus d’Amour.
Sous
le platane volète une pluie de pétales d’églantiers. Un papillon aussi immaculé qu’eux les accompagne en dansant. Je les envie un peu. Se laisser porter par la Vie, le rythme simple de la Vie, le « ici et
maintenant », sans se soucier des délires du monde des hommes, de ceux qui ne parviennent pas à comprendre qu’ils ont déjà tout et qu’en vouloir plus ne les rendra pas plus heureux.
Allez, trêve de constats stériles. Savourons !