Le vent fripon de Brassens, le vent polymorphe de Juliette, le vent courtisan d’Anne Sylvestre, Eole souffle ses divins zéphyrs sur la Laconie printanière.
Pervers, il alterne les calmes et les bourrasques et trompe ma vigilance.
Violent, il couche mes pots de fleurs trop légers d’être désormais pétris de plastique faussement terreux.
Taquin, il relève les tuniques légères qui cachent mal mes fesses d’étrangère
impudique et m’oblige à rentrer précipitamment enfiler le legging politiquement protecteur.
Délicieux, il rafraîchit mes bras rassasiés de soleil et en maquille la brûlure.
Local et changeant, il
perturbe mes amis pêcheurs et accentue leur désorientation devant la raréfaction de la faune nourricière.
Sournois, il fait éternuer les grands-mères et confisque les ballons des petits-enfants.
Eternel,
il soutient le ballet des hirondelles qui se hâtent de bâtir sur les solives pour perpétuer l’existence de l’espèce.
Esthète, il ébouriffe les casques crêpés-laqués des bourges
à la splendeur passée et fait voltiger les longues crinières blondes des jeunesses à peine libérées.
Poète, il me murmure des secrets, inavouables à voix haute, me raconte la vie de mondes interlopes,
hante mes nuits de cauchemars aux bandes-son improbables, fait gronder les vers d’Homère dans l’écume vineuse qu’il soulève de loin en loin…
Le vent est mon compagnon de vie à la grecque, mon prof
de philosophie, mon ami de passage, mon ennemi préféré, celui qu’on n'aime jamais autant que lorsqu’il s’en va… avec promesse de retour bien entendu.
Lorsque
je me sens las de jouer avec les vagues,
Les roseaux de Camargue ou les fumées de Prague
Il m´arrive parfois, du haut de mon royaume,
De compter tous les noms que m´ont donnés les hommes
Sirocco par ici, Tramontane à côté
Zéphyr un peu plus loin et ailleurs Alizé
Simoun ou bien Mistral, Aquilon ou Blizzard
Autant de patronymes exotiques et bizarres
Étranges
inventions d´esprits à ras de terre
Comme s´il y avait des frontières dans l´air
Non, je n´ai pas de frère et c´est moi et moi seul,
Des Rocheuses à l´Oural,
qui souffle à fendre gueule
On me dit Bise ou vent d´Autan
On me divise en vingt, en cent
Mais c´est en vain qu´on jase autant
Je suis le même, ouest ou levant
Juliette, La ballade d’Eole