Je suis saoulée par le parfum entêtant des milliers orangers en floraison sur des centaines d’hectares contigus au village.
Je suis saoulée des relents de haine fascisante que font grandir les peurs du lendemain chez
mes concitoyens.
Je suis saoulée par l’éclat du rouge coquelicot qui émaille depuis quelques jours les talus de Laconie.
Je suis saoulée des petits matins comme celui-ci qui mettent douloureusement en lumière
la peur profonde de l’Autre ancrée au cœur des hommes sans défense.
Je suis saoulée par l’incroyable force des victimes que sont devenus les Grecs face à l’insensibilité du rouleau compresseur
financier.
Je suis saoulée de l’indifférence criminelle des tenants du système libéral, qu’ils soient ancien banquier au sourire carnivore ou gentleman farmer aux mœurs équivoques, tous élevés
hors sol dans des bulles dorées par nos propres efforts.
Je suis littéralement saoulée par les mille reflets hypnotiques d’une Méditerranée moqueuse déployant ce matin à mes pieds son meilleur kaléidoscope
irisé, pointillé de loin en loin par une aile de mouette joueuse.
J’ai fermé la radio. Je suis saoulée pour un bon moment des nouvelles et commentaires bien-pensants d’un monde qui me devient de plus en plus étranger.
Ni une Marine fille de l’Océan, ni un Emmanuel censé vivre avec Dieu, ne me feront sortir de l’ermitage. Je vais plutôt converser en direct avec leurs paternels patronymiques respectifs, de cœur à cœur.
Pour tenter de faire passer mon mal de cœur en ce lundi matin presque comme les autres.