Elle est verte. Moins de vigueur en montagne que la rouge mais beaucoup plus stable en slalom, car moins de prise au vent. Elle est plus vieille sur le papier mais affiche le même âge au compteur. Elle est grecque et elle porte désormais
mon nom.
Après moult démêlés administratifs, je suis aujourd’hui la très normalisée et très en règle détentrice bien sûr d’un passeport bordeaux, mais aussi d’une
carte de séjour beige, d’un permis de circulation sous immatriculation grecque vert, d’une assurance toute locale et blanche et d’un joli numéro fiscal tamponné en bleu par les services adéquats. Qui eût
cru qu’il fallait être tellement têtue pour vivre en Europe en tant… qu’Européenne ? Pauvres Syriens…
Mais voilà qui est fait, pour moi tout est en ordre, « enn taxi »
comme on dit ici. Je peux retourner à ma contemplation béate. A laquelle les contrariétés (relatives) de ces dernières semaines donnent d’ailleurs une saveur nouvelle. Un peu, j’imagine, comme des amants de longue
date s’étant décidés à signer quelques papiers officiels devant un représentant de la norme, occasion festive d’échanger quelques nouveaux vœux intimes. Je dis « j’imagine »,
je n’ai pas vécu cela, mais je regarde souvent ma relation à la Grèce comme un long rapport amoureux datant de moult vies antérieures. Disons qu’en acceptant le dialogue légal, j’ai prononcé moi aussi
quelque nouveau serment à son égard.