Le Magne est tout en jaune. Il accueille le printemps avec toute la magnificence de sa flore têtue. Peu de moyens, beaucoup d’effets. Ce pourrait être une devise locale à tous points de vue. Ici, foin de bougainvillées
cascadantes, pas de lilas, pas de seringas touffus. Au fil de mes kilomètres dans les sentes de montagne, je n’ai vu en tout et pour tout qu’une seul glycine, probable caprice d’expatrié, et une vallée où croissent
en consanguinité une petite dizaine d’arbres de Judée. Non, pas de bleu, pas de mauve, très peu de rose disséminé dans les tapis de pâquerettes immaculées qui coiffent les talus. Tout le reste est jaune.
Des torrents d’ajoncs infranchissables coulent du haut des pierriers jusqu’aux sentiers côtiers. Des marguerites jaunes géantes escaladent les murets des jardins encore à peine désherbés en cette saison. Des fleurs
sauvages légères et éthérée mais aux plumets bien jaunes colonisent le moindre espace de terrain libre.
Et par-dessus tout cela, tel un empereur chinois irradiant le jaune d’or du costume « spécial
Fils du Ciel », les brassées du genêt royal. Sa silhouette ambitieuse ponctue l’espace, fait regarder le ciel qu’il semble remercier et dispense sans compter son parfum lourd, entêtant, chaleureux, promesse datée
de temps enfin meilleurs.
L’odeur des genêts emplit la voiture lors de mes excursions maniotes et le jaune débordant du décor m’emplit le regard. Mon mental sait que toute cette splendeur cache la caillasse stérile,
le manque de terre, la difficulté d’être né sur cette péninsule ingrate où les hommes prennent vite la dureté de la roche. Mais mon cœur reconnaît aussi leur similitude avec cette beauté généreuse
dans sa simplicité. Donner à voir le meilleur possible malgré le manque et les douleurs.
Nous sommes très loin des membres de la liste « Panama Papers », plus enclins à thésauriser égoïstement
une richesse, devenue inutile à ce niveau d’excès, qu’à exprimer la beauté de la vie quand elle est partagée.