Giorgos est rasé, tête et barbe. « Je perds mes cheveux. Comme ça, on ne s’en rend pas compte. » Ça lui donne un petit air de Bruce Willis avec vingt ans de moins. Ça lui va bien,
son crâne à la rondeur régulière assume la nudité. Mais il craint les coups de soleil. Alors surgit la casquette, la démoniaque chape de toile à languette boutonnée sur l’arrière de l’occiput
et visière cartonnée outrageant le frontal. Avec son regard planqué derrière les ray-ban fumées, il ne me reste à contempler qu’un banlieusard anonyme. Dommage.
Nikos est bouclé, bronzé,
brun du fond des yeux jusqu’au bout des ongles qui arborent les stigmates d’une nuit de pêche en caïque, entre huile de moteur et entrailles de poissons. Dans sa salopette orange, il saute sur le quai tel un Poséidon vainqueur
d’Ulysse, chevelure au vent, modèle évident pour un Phidias ressuscité. Mais ainsi que le prêchaient nos grands-mères, on ne sort pas de chez soi tête nue. Alors, à terre, s’impose la casquette, qui
massacre les boucles brunes, avale le front conquérant, rétrécit le regard de poix liquide, fait de mon dieu des océans un pêcheur plutôt crade, carrément frustre.
Je hais les casquettes. Elles sont perverses,
manipulatrices, tricheuses et surtout gâcheuses !!! Je me demande bien qui a inventé ce couvre-chef malfaisant. Une femme jalouse sans doute, certaine de n’attirer ainsi aucun regard envieux sur un mâle de charme qu’elle
tenait à garder pour elle. Dommage.