Le vote approche. Les meetings se multiplient. Hier soir, le cœur d’Athènes s’est bloqué à gauche. Forêt de drapeaux rouges sur Syntagma pour le parti communiste et toute la place Omonia et les avenues adjacentes
noires de monde pour écouter le dernier discours du jeune Tsipras, la nouvelle terreur de madame Merkel. Sans être grande Pythie, je pense que ce dernier va passer en tête dimanche. Allié aux verts et au KKE (PC), il risque de perturber
les prochaines réunions du Parlement européen. Un peu de contradiction ne fera pas de mal aux vieilles barbes trop confortablement installées devant leurs portefeuilles et leurs certitudes. J’ai confiance.
Ça va marcher.
Ce peuple est trop fier pour accepter plus longtemps les oukases de la troïka, et trop pragmatique pour tout envoyer promener au risque de sa survie immédiate. Les Européens de l’ouest devront composer parce que les exigences grecques
seront « raisonnables », douées de la raison, leur fonds de commerce depuis Périclès.
Oui, j’aime bien « le » Alexis, comme on dit ici. Il est jeune, il ne porte jamais de cravate,
il n’est pas alourdi par les banquets dits républicains comme certains anciens, on ne lui connaît pas (encore) de sulfureuse maîtresse hôtesse de l’air, il parle clairement et ne semble dégager aucune roublardise,
bref, ou c’est un homme correct (kaloskagathos pour les hellénistes distingués), ou c’est un excellent acteur. Restons optimiste. L’avenir, proche, me le dira.
Autour de moi, les avis sont partagés :
- On a déjà essayé tous les autres. Tsipras ne pourra pas faire pire.
- Si l’Europe nous supprime son aide, c’est
la fin. Il faut peut-être continuer comme ça et faire encore confiance à Samaras.
- Et si les braillards de Aube Dorée avait raison…
Je ne suis pas naïve.
A Gythio, les dernières élections ont hissé le parti nazi à 53% de choix. Leur drapeau à croix quasi gammée s’affiche sur la place principale du village, sans aucun complexe. Pour quelle raison ? je ne sais
toujours pas. A quelques Albanais près, d’ailleurs de moins en moins nombreux, il n’y a ici aucun étranger à virer et aucun gisement d’emplois à dégager.
Mais le Maniote est raciste d’origine.
Il pleure encore Léonidas, le vainqueur des Thermopyles, l’époque bénie de la suprématie spartiate sur un monde extérieur peuplé d’esclaves. D’accord, ça aussi, ça remonte à 2500
ans. Mais chacun place le curseur à sa guise sur l’échelle de la raison.
Dame Nature se moque des bulletins de vote. Insouciant des échéances humaines, le printemps montre son nez. Iris, anémones et asphodèles
commencent à émailler les talus. Dimanche, j’irai me promener sous les oliviers, entre paix et beauté, en attendant les probables déclarations guerrières qui suivront l’annonce des résultats dans la soirée.
Ce sera ma manière de voter pour un juste équilibre.