A gauche, une mer d’oliviers chargée de perles vert tendre jusqu’au pied de la montagne. A droite, une forêt d’orangers ployant sous le poids des fruits ensoleillés jusqu’aux premières vagues
égéennes. Entre les deux, un ruban sinueux de bitume défoncé emprunté seulement par les tracteurs et pick-up des arboriculteurs, et aujourd’hui par ma rouge voiture. De loin en loin, un hameau de quelques maisons frileusement
serrées contre une taverne, des vieux discutant sans fin autour de tasses de café vides depuis longtemps. Pas de femmes, ou des apparitions fugitives sur les seuils, le balai à la main.
La Laconie est devenue obsédée
de propreté ces dernières années. Terminées les grèves d’éboueurs que j’ai connues au début de ce siècle et qui avaient fait du Magne un dépotoir plus nauséabond que Naples paralysée
par ses lobbies mafieux. Désormais ici, tout le monde, pardon, toutes les dames ont un balai à la main droite et une pelle plate à long manche dans la main gauche. Ou un tuyau d’arrosage pour chasser les dernières poussières
du trottoir. L’inversion est assez impressionnante.
La municipalité a recruté un bataillon d’éboueuses qui arpentent le village de Gythio en traînant derrière elles pelles et balais dans un caddy. Elles
traquent et récupèrent tout ce qui a échappé aux habitantes. On peut manger par terre et les chats ont disparu faute de reliquats de miettes goûteuses.
Je connais la Grèce physiquement depuis 1975. J’ai
toujours considéré que c’était un pays à tendance crasseuse, à la population masculine « huileuse », incapable de prolonger le blanc d’une chemise plus d’une demi-heure, ce qui n’enlevait
rien à son charme intrinsèque d’ailleurs. Eh bien, je ne peux plus le dire. Les nouvelles générations sont clean et branchées. Très tatouées aussi et très amoureuses de leurs écrans divers.
Internationales quoi. Ainsi va le temps et rien n’est jamais gravé dans le marbre… que les fesses de l’Hermès de Praxitèle. Heureusement !
[ grès rouge et végétation
d'hiver, entre oliviers et orangers ]